Ici, les femmes ne rêvent pas
Récit d'une évasion
Rana Ahmad est une femme, une femme née au mauvais endroit si elle veut avoir son propre destin, ses décisions. Dans Ici, les femmes ne rêvent pas, récit d’une évasion, la jeune femme livre son quotidien jusqu’à ce qu’elle se découvre athée. Ce refus de la religion, passible de la peine de mort en Arabie Saoudite, entraînera sa fuite et son installation en Allemagne.
“Je traverse la rue et j’entends des oiseaux chanter. Pour le reste, le silence règne au coeur de Cologne. Mon voisin, qui marche à ma rencontre sur les bandes blanches, m’adresse un salut aimable.”
“Je ne sais pas précisément à partir de quand la religion a commencé à jouer un rôle dans ma vie. Elle a toujours été là.” La religion, omniprésente, écrasante et étouffante sous le niqab, faucheuse du plaisir : la petite Rana, 10 ans se fait retirer sa bicyclette flambant neuve par son grand-père. S’en est fini du vent dans les cheveux, de la sensation de la liberté : le lendemain, elle porte le hijab. “ Ma mère est venue elle aussi prendre son petit-déjeuner chez grand-père (...). Un morceau de tissu noir est posé sur la table. Pendant que je déjeune, elle m’explique en termes doux et feutrés que je ne suis plus une petite fille désormais.”
Par une écriture simple, Rana Ahmad arrive à communiquer son enfermement, le doute et la peur. La femme, animal domestique, toujours couverte et toujours coupable : “Nous, les filles, grandissons dans la certitude que notre corps est une surface de projection pour les péchés, quelque chose dont nous devons avoir, que nous devons voiler, cacher et rendre aussi invisible que possible. Si l’on impose à notre corps un contact immoral, nous sommes les seules coupables.” En revanche, l'hypocrisie est de rigueur chez certains des hommes “pieux” : agressions sexuelles, viols au sein de la famille...
Le chemin vers soi, libérateur, est l’un des plus dangereux pour Rana Ahmad, emprisonnement, coups de fouet, tabassage ou peine de mort ne sont jamais loin. Les réseaux sociaux, et notamment Twitter sont l’une des voies de la délivrance. Grâce à eux, elle découvre les livres interdits en Arabie Saoudite. D'eux, elle se nourrit pour s'émanciper des carcans et ouvrir son esprit. Avec ceux-ci, elle entretient une liaison secrète et dangereuse. Elle s'affranchit et s’insurge contre cette société où la femme est bardée d’interdit, où les destins sont tout tracés et toujours dépendants d’un homme.
Récit d’une évasion, le texte est aussi l’occasion de décrire le parcours des migrants. Rana Ahmad, n’a pas d’autre choix que de faire appel à des passeurs pour poser le pied sur le sol Européen. Puis, les différentes frontières, camps, et l’attente interminable une fois arrivée en Allemagne. Un récit qui nous plonge, sans jamais s'apitoyer, sur la réalité de centaines de milliers de personnes. Rama Ahmad nous raconte la volonté d'intégration, la nécessité vitale de changer de vie
Rana Ahmad, Ici, les femmes ne rêvent pas, récit d’une évasion. Éditions Globe, octobre 2018