En attendant Bojangles
Ou l'insoutenable légèreté
Un jour d’errance dans les rayons de la Fnac (ceci est un autre sujet, mais je préfère évidemment les petites librairies indépendantes), j’ai été attirée par les couleurs d’En attendant Bojangles. La quatrième de couverture était pleine de promesses « extravagant », « pétillant », « joyeux et plein d’esprit ». J’avais besoin qu’on me prouve que les grands textes n’étaient pas toujours teintés de grands drames et ça semblait bien parti.
« Mon père m’avait dit qu’avant ma naissance, son métier c’était de chasser les mouches avec un harpon. »
Les premières pages ont été difficiles. Effectivement, c’est gai, étrange, fouillis… voire brouillon. On ne voit pas où mène le récit de ce fils sur ses parents un peu toqués et totalement fantaisistes. Leur salon est un jeu de dames, le père donne un nouveau prénom à sa femme chaque jour, et le petit va à l’école si la famille n’a pas une autre occupation plus intéressante ou une envie urgente de vacances. Ça virevolte. comme ce couple qui danse sans cesse et surtout sur Mr. Bojangles.
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L’écriture est légère, une prose en rimes, comme les comptines. Mais on s’y perd aussi au début, l’esprit bute, peu habitué sur ce style, cette prose tout en rimes, assonances et allitérations. De loin, cela rappelle le roman Les Fleurs Bleues de Raymond Queneau.
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« (…) la nouvelle Joséphine en prenant un air digne, la nouvelle Marylou en gonflant les joues. »,
« Tu sais, fiston, Suzon a beaucoup d’imagination, elle joue avec tout, même avec sa filiation (…) »
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Et puis… on finit par s’y habituer à cette poésie, l'esprit finit par sautiller sur ces sons. Les anecdotes, souvenir après souvenir, dessinent les personnages et finissent par tisser un tissu cohérent. Un autre récit, celui du père, s'inscrit dans certaines parties et donne une autre dimension à cette douce folie. Par amour, il a adhéré au rythme fou de sa femme et s'est promis de la suivre partout.
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Qu'on ne s'y trompe pas, la légèreté n'est qu'un moment, la porte d'entrée dans l'histoire. Elle s'assombrit petit à petit, et en devient préoccupante, parfois angoissante. Il est impossible, en ouvrant ce livre d'imaginer la fin qui restera narrée tout aussi légèrement.
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Le livre refermé, il nous reste la mélancolie d'un passé heureux que l'on n'a pourtant pas connu. Ecoutez Mr. Bojangles de Nina Simone...
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• Éditions Finitude ou en poche chez Folio
• Olivier Bourdeaut
• Grand Prix RTL-Lire 2016, Prix France Télévision 2016 et Prix du roman des étudiants France Culture - Télérama 2016
• Paru en 2016